lunes, 2 de octubre de 2017
FRANCIA: Sur la situation en Catalogne - PCF maoiste
Que
se passe-t-il en Catalogne ? Cette nation présente sur plusieurs
territoires de culture catalane (Valence, Baléares, Andorre,…), située
principalement dans l’Etat espagnol, et en partie dans l’Etat français, a
une situation politique qui évolue rapidement : une crise politique
sans précédent s’est déclarée. Le gouvernement de la Generalitat
(l’organisation politique détenant les pouvoirs exécutifs et législatifs
régionaux de cette « communauté autonome », intégré il y a plusieurs
siècles dans l’Etat espagnol) a promis depuis 2015 d’avancer vers la
voie de l’indépendance. Pour cela, la Generalitat a convoqué un
référendum pour le 1er octobre 2017.
Le gouvernement espagnol conservateur de Mariano Rajoy (dirigeant du
Partido Popular, représentant la droite issue du franquisme) semble prêt
à utiliser tous les moyens à sa disposition pour empêcher la tenue du
référendum, que la Cour constitutionnelle a jugé illégal. Il faut
rappeler que la police a quand même mené des perquisitions au siège du
gouvernement régional catalan et a saisi les 19 et 20 septembre près de
10 millions de bulletins de vote, que 14 hauts responsables du
gouvernement régional ont été arrêtés et le 21
septembre, que la justice a cité à comparaître plus de 700 maires
catalans, que des entreprises privées ayant contribué à la propagande
indépendantiste ont été perquisitionnées, que la Cour constitutionnelle a
annoncé infliger des amendes de 6000 à 12 000€ tous les jours à 24
organisateurs du référendum jusqu’à ce qu’ils se plient aux résolutions
de la « Justice ». 60 sites faisant la promotion du référendum ont été
fermés, la campagne électorale est illégale et donc le collage
d’affiches pour l’indépendance se fait dans l’illégalité, et Madrid a
mis sous tutelle les finances de la région pour empêcher les financement
illégaux.
La constitution considère en effet que l’Espagne est une et indivisible :
malgré l’existence de différentes nations en son sein (Catalogne, Pays
Basque, mais également Asturies, Galice, Andalousie…), l’héritage de
l’empire et du franquisme reste profondément marqué dans l’organisation
de l’Etat. La bourgeoisie continue de célébrer le « jour de l’hispanité
», et le principal parti de droite, le PP, est l’héritier directe de la
bureaucratie franquiste. Mais dans les faits, la bourgeoisie espagnole
est une classe écartelée entre son caractère impérialiste et la réalité
d’une centralisation incomplète. Si le pays s’est construit sur l’or
provenu de la colonisation de l’Amérique latine, il a connu un important
retard industriel par la suite. De plus l’Espagne n’a pas achevé son
processus de centralisation comme l’a fait la France, qui a écrasé ses
minorités nationales bien plus efficacement avec la diffusion d’une
idéologie républicaine jacobine. Seuls quelques régions du nord de
l’Espagne ont véritablement connu la révolution industrielle au XIXème
siècle comme le Pays Basque (Euskal Herria), la Catalogne (Catalunya),
ou encore la Galice.
Ces contradictions ont engendré une grande misère dans les campagnes,
des inégalités économiques criantes, des revendications nationales
centrifuges, et une instabilité politique profonde. La bourgeoisie dans
sa majorité est très liée à l’église catholique, elle méprise
ouvertement le peuple et ne cherche pas de vernis progressiste. Face à
cela, le mouvement ouvrier s’est développé principalement sur une base
anarcho-syndicaliste et anarchiste. Les contradictions de la société
espagnole ont notamment été à l’origine du soulèvement réactionnaire
puis de la guerre civile de 1936-1939, qui ont aussi vu l’intervention
des puissances fascistes, du Mexique et de l’URSS. Basques et Catalans
se sont mobilisés aux côtés de la troisième république, espérant obtenir
l’indépendance nationale, ou au moins un statut et des libertés
publiques.
La défaite de la République a fait taire temporairement les aspirations
nationales. Le mouvement anarcho-syndicaliste et anarchiste a été
balayé, les communistes ont été plongés dans la clandestinité, et la
bourgeoisie a durement écrasé le prolétariat. La transition démocratique
entamée après la mort de Franco en 1975 n’a fait que repeindre la
façade du vieil état autoritaire et nationaliste : malgré la forme
parlementaire de l’état, l’Espagne a un ensemble de lois parmi les plus
répressives d’Europe. La torture des militantes et militants
révolutionnaires et indépendantistes est courante, et il n’est toujours
pas possible de critiquer ouvertement la monarchie.
Mais revenons à la situation actuelle. Qui mène le mouvement
indépendantiste en Catalogne ? La direction du mouvement est clairement
dans les mains de la bourgeoisie catalane. En termes de classes, une
partie du prolétariat, de la bourgeoisie, et la majorité de la
petite-bourgeoisie sont de culture catalane. Au contraire « les très
riches et les très pauvres sont espagnols » : la grande bourgeoisie,
tout comme les prolétaires les plus précaires venus tenter leur chance à
Barcelone et dans les zones industrielles, sont plus proches de la
culture espagnole.
La dernière Diada, la fête nationale transformée en manifestation pour
l’indépendance, a réuni un million de personnes. Depuis une décennie, le
développement économique rapide de la Catalogne pousse la petite et la
moyenne bourgeoisie catalane à appuyer ouvertement le mouvement
indépendantiste. Pour simplifier, disons cela ainsi : pour les
bourgeois, il est plus avantageux de garder l’intégralité des impôts au
niveau de la Catalogne que de les reverser à Madrid. La Catalogne
représente tout de même 20% du PIB de l’Espagne, 30% de ses exportations
et 50% de l’activité à forte valeur ajoutée ! Il y a une idée
réactionnaire comme quoi « les Catalans » n’ont pas à se sacrifier pour
le reste de la population en Espagne. Le mouvement catalan est-il
cependant à rejeter dans son ensemble ? Non. Il s’agit d’une lutte
nationale portant une caractéristique progressiste (l’indépendance
vis-à-vis d’un Etat impérialiste). Mais cette lutte n’est pas
révolutionnaire. L’oppression nationale vise le peuple, mais aussi la
nation tout entière.
Pour les révolutionnaires de l’Etat français, la situation doit être
suivie de prêt. Elle est potentiellement explosive en Espagne, et
pourrait avoir des conséquences très importantes au niveau européen,
entraînant un effet domino au Pays Basque et ailleurs, par exemple en
Ecosse et en Irlande du Nord. Il est clair que Madrid n’envisageait pas
que la situation s’envenime à ce point. Pour les conservateurs, il
s’agissait d’un simple marchandage économique avec la bourgeoisie
catalane, qui faisait son spectacle pour peser dans la balance et
mobiliser sa base électorale.
Mais les bourgeois espagnols, qu’ils soient conservateurs ou
socialistes, ont négligé un facteur : poussée par sa base, déçue des
reculs subis par la Generalitat face aux conservateurs, la bourgeoisie
catalane est allée plus loin que prévu. Elle peut encore renoncer au
projet indépendantiste et s’en tirer à bon compte, en faisant ce que les
politiciens bourgeois savent faire le mieux, c’est à dire en jouant la
comédie. Ils peuvent prétexter que les menaces (un général espagnol
avait laissé entendre qu’il défendrait l’ordre constitutionnel « par
tous les moyens ») et la répression les empêchent de tenir le
référendum, notamment la saisie des bulletins et des convocations, la
fermeture des sites internet, les procès et la mise sous tutelle des
finances de la Generalitat.
Mais Madrid joue un jeu très dangereux. La désobéissance civile est
massive en Catalogne, il y a eu de grandes manifestations d’étudiants
ces derniers jours, de nombreuses écoles sont occupées et des syndicats
ont déposé un préavis de grève générale à compter du 1er octobre au cas
où le référendum serait empêché. Si les forces de police locales, les
Mossos, obéissent encore à Madrid, l’administration désobéit
ouvertement. Les perquisitions de bâtiments publics ont choqué
l’opinion. Et les procès des dirigeants catalans peut pousser les masses
à tenter le tout pour le tout. Nous voici donc face à une situation de
quitte ou double : ou bien le gouvernement écrase temporairement le
mouvement indépendantiste, ou bien il le radicalise, et perd ses moyens
face à la pression populaire.
Quoi qu’il en soit, les prochaines semaines seront déterminantes. Notre Parti se positionne donc ainsi :
Nous reconnaissons la définition d’une nation comme une communauté
humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d’une
communauté de langue, de territoire, de vie économique et formation
psychique qui se traduit dans une communauté de culture.
L’Etat espagnol a usé et use de la force contre la nation catalane pour
l’empêcher de faire sécession. Nous soutenons le droit à
l’autodétermination de la nation catalane. Si la nation catalane juge
bon de faire sécession et donc de créer un Etat indépendant, c’est
qu’elle se se sent opprimée par l’Etat espagnol. Nous devons soutenir
son droit à l’autodétermination.
Le Camarade Lénine nous enseigne que « le principe de la nationalité est
historiquement inéluctable dans la société bourgeoise, et compte tenu
de cette société, le marxiste reconnaît pleinement la légitimité
historique des mouvements nationaux. Mais pour que cette reconnaissance
ne tourne pas à l’apologie du nationalisme, elle doit se borner très
strictement à ce qu’il y a de progressiste dans ces mouvements, afin que
cette reconnaissance ne conduise pas à obscurcir la conscience
prolétarienne par l’idéologie bourgeoise. » (Notes critiques sur la question nationale, 1913)
Le nationalisme bourgeois de toute nation opprimée possède un contenu
démocratique qui est dirigé contre l’oppression, c’est celui-là que nous
soutenons. En revanche nous ne soutenons pas le contenu qui vise à
renforcer le nationalisme et les privilèges de la bourgeoisie nationale
et qui casse la conscience de classe du prolétariat en effaçant les
distinctions de classes entre bourgeois, petits-bourgeois et
prolétaires.
« Sous prétexte que ses demandes sont « pratiques », la bourgeoisie des
nations opprimées va appeler le prolétariat à soutenir ses aspirations
sans condition… Le prolétariat est opposé à une telle pratique. Tout en
reconnaissant l’égalité des droits à un Etat national, il valorise
surtout et avant tout l’alliance des prolétaires de tous les pays, et
évalue toute demande nationale, toute séparation nationale, sous l’angle
de la lutte de classe des travailleurs. Pour les travailleurs, la chose
importante est de distinguer les principes des deux tendances. Dans la
mesure où la bourgeoisie de la nation opprimée combat l’oppresseur, nous
sommes toujours, dans tous les cas, et plus fortement que quiconque en
sa faveur, car nous sommes les ennemis les plus constants et les plus
fervents de l’oppression. Mais dans la mesure où la bourgeoisie de la
nation opprimée est favorable à son propre nationalisme bourgeois nous
somme contre. » (Lénine, cité par Ibrahim Kaypakkaya dans La Question Nationale en Turquie, 1971)
Nous soutenons donc le droit à l’autodétermination de la nation
catalane. Et nous soutenons l’unité du prolétariat catalan et espagnol
contre les intérêts de la bourgeoisie et des propriétaires.